Chignin Bergeron en Terres de Savoie : à la découverte d’un vignoble d’altitude

Chignin Bergeron en Terres de Savoie

Un relief escarpé, une viticulture de montagne

Le vignoble savoyard s’étend sur près de 2 000 hectares, un chiffre modeste à l’échelle nationale, mais chaque parcelle compte. Les vignes se hissent souvent à flanc de coteau, parfois jusqu’à 500 mètres d’altitude, entre les plis du Massif des Bauges, de la Chartreuse ou du Mont Granier. Ce dernier, dont l’effondrement au XIIIe siècle a façonné le paysage viticole de Chignin, confère au terroir sa minéralité singulière.

Ici, tout se joue sur la pente. Le travail mécanique est souvent impossible. L’homme remplace la machine. Les vendanges se font à la main, le sol est drainé naturellement, les expositions sont multiples. Cette viticulture de montagne oblige à une approche humble, précise, patiente. Elle façonne des vins qui ne trichent pas.

Le Chignin-Bergeron, élaboré à partir du cépage Roussanne, y exprime toute la force de cette géographie : une rondeur miellée, une tension portée par les calcaires, une aromatique évoquant l’abricot, la fleur blanche et parfois l’amande grillée. C’est un vin qui raconte la pente, la roche, le vent.

Viticulture de montagne en Savoie : vendanges manuelles sur pentes escarpées et travail précis du sol

Des cépages uniques, entre mémoire et modernité

La Savoie n’a pas suivi la route des cépages internationaux. Elle a conservé ses variétés locales, parfois au prix d’un combat silencieux. Mondeuse noire, Jacquère, Altesse, Roussette, Gringet, Persan, Douce Noire : ces noms racontent une histoire autonome, enracinée.

La Jacquère, très présente dans la région, donne des blancs légers et vifs, souvent utilisés en apéritif ou sur des fromages comme la tome des Bauges. La Mondeuse, avec sa robe sombre et son nez de violette et de poivre, offre des rouges nerveux et épicés, à fort potentiel de garde.

Mais c’est sans doute la Roussanne, baptisée localement "Bergeron", qui marque les esprits. Longtemps considérée comme capricieuse, elle est aujourd’hui sublimée par des vignerons qui ont appris à en dompter la maturité. Dans ma cave à vin, je prends plaisir à expliquer cette évolution, à montrer comment une même parcelle, bien travaillée, peut exprimer des nuances d’une année sur l’autre.

Ces cépages, souvent replantés en sélection massale, sont le reflet d’un choix : celui de préserver une identité plutôt que de céder à la facilité des standards mondiaux. Ils ne se laissent pas toujours dompter, mais ils racontent la montagne mieux que quiconque.

Chignin-Bergeron : vin de Savoie issu de Roussanne, aux arômes d’abricot, fleurs blanches et amande, reflet du terroir montagneux

Des domaines discrets, une exigence commune

Les domaines viticoles de Savoie ne jouent pas la carte du volume. Ici, on parle en hectares, pas en dizaines de milliers de bouteilles. Beaucoup sont des exploitations familiales, souvent transmises sur plusieurs générations, parfois reprises par des néo-vignerons venus d’autres horizons.

Ce qui frappe, c’est la cohérence des engagements. Travail en bio ou biodynamie, vinifications naturelles, levures indigènes, interventions minimales : ces choix ne sont pas des effets de mode, mais des réponses logiques à la complexité du terroir. Dans un climat alpin où les amplitudes thermiques sont fortes, où les précipitations peuvent surprendre, la vigilance est constante. Cela se ressent dans les vins : tension, droiture, pureté aromatique.

Parmi les domaines que je suis de près dans ma cave à vin, certains jouent la carte de la patience : élevages longs, passage en foudre, temps de repos avant commercialisation. D'autres expérimentent des amphores, des macérations longues, parfois des élevages sous voile. Mais tous partagent une volonté de transparence et d’expression fidèle du lieu.

Ce respect du sol, du climat, du raisin se lit dans le verre. Le Chignin-Bergeron, quand il est bien né, ne cherche pas à plaire à tout prix. Il s’offre à ceux qui prennent le temps de le comprendre. Et il le rend bien.

Cépages savoyards : Jacquère pour des blancs vifs, Mondeuse pour des rouges épicés à fort potentiel de garde

Une transmission nécessaire, une culture à faire vivre

En créant ce blog, je voulais prolonger le travail que je mène chaque jour dans ma cave à vin : transmettre, expliquer, raconter les dessous d’un vin. Trop souvent, les vins de Savoie sont associés à l’image du vin de raclette. Réducteur, et injuste. Derrière cette caricature, il y a des terroirs complexes, des gestes anciens, des engagements modernes. Il y a une culture viticole alpine, exigeante et singulière.

Ce blog est donc une invitation. Une invitation à sortir des routes toutes tracées, à ouvrir une carte des vins avec curiosité, à aller voir ce qui se passe entre Aix-les-Bains et Albertville, entre Fréterive et Jongieux, entre Apremont et Chignin. Une invitation à considérer le vin comme un paysage : changeant, vivant, exigeant.

Je n’écris pas pour séduire. J’écris pour documenter, pour mettre en lumière, pour faire dialoguer le lecteur avec un lieu. Et si, en lisant ces lignes, vous ressentez l’envie d’aller plus loin, de goûter autrement, de visiter un domaine ou d’échanger dans ma cave à vin, alors ce blog aura rempli son rôle.

Les vins de Savoie ne sont pas des vins mineurs. Ils sont discrets, oui, mais puissants. Et ce sont souvent les plus beaux à révéler.

Domaines viticoles familiaux en Savoie : engagement en bio, vinifications naturelles et respect du terroir alpin

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